De : Fédération CINOV,

En mettant au premier plan la performance de l’ouvrage, la loi pour un Etat au Service d’une Société de Confiance (ESSOC) contribue à clarifier les rôles, les missions et les responsabilités des différents acteurs, et (re)place ainsi l’ingénierie au cœur de l’acte de construire. La multiplication des règles et des normes applicables aux différents ouvrages s’est traduite par une complexité accrue, entraînant à son tour une superposition des preuves de confiance, et au final une dilution de la responsabilité de chacun. Dans ce contexte, le gouvernement a lancé un vaste chantier de modernisation du droit de la construction à l’occasion des ordonnances prises en application de l’article 49 de la loi ESSOC pour favoriser l’innovation et simplifier la cadre réglementaire en permettant au maître d’ouvrage de déroger aux règles. Déroger ne prend pas ici le sens commun, mais signifie que le maître d’ouvrage peut mettre en œuvre une technique différente de celle prescrite par la réglementation, à condition d’apporter la preuve d’une performance au moins égale apportée par la solution innovante.

En revenant aux fondamentaux, comme la performance et sa mesure, la loi ESSOC redessine les contours des différentes missions des partenaires de l’acte de construire.

La maîtrise d’œuvre, un acteur incontournable dans l’acte de construire

Qu’un maître d’ouvrage choisisse de construire un ouvrage en respectant une obligation de moyens ou de résultats, le concepteur joue un rôle incontournable et son travail est rigoureusement identique : adapter les solutions retenues, suivre le chantier pour s’assurer que la mise en œuvre est conforme à ses prescriptions, et/ou adapter les prescriptions aux modifications intervenues en cours de travaux, etc. Que la technique soit innovante ou classique, les bureaux d’ingénierie n’en sont pas seulement les experts, ils sont aussi les garants de la mise au point d’une solution spécifique, efficace et économiquement acceptable. L’ingénierie est enfin le garant de la bonne mesure de la performance du projet.

Les deux démarches (obligation de moyens et de résultats) nécessitent la mise en place d’un plan d’assurance qualité que l’ingénierie apporte naturellement au maître d’ouvrage dans le cadre d’une mission complète, et qui s’appuie sur des principes forts de transparence, de cohérence, de contrôle à chaque étape.

Le contrôle de quoi par qui ?

Le premier des contrôles (effectués par les BET, entreprises, etc.) est celui qui permet à chacun de vérifier la conformité de son travail aux règles qui lui sont applicables, on parle alors d’autocontrôle. Exercé à chaque étape et par chacun, ce processus vertueux garantit la bonne exécution des travaux. Le contrôleur technique, en toute indépendance, s’assure du respect des réglementations par tous les intervenants.

La loi ESSOC, en plaçant très haut le niveau d’exigence attendu des acteurs de la construction, renforce non seulement le rôle de chacun, mais par là même la nécessité de contrôler que ce rôle est bien tenu, ce qui renforce plus que jamais le besoin d’un contrôle indépendant. Pour rappel, la maîtrise d’œuvre contrôle la conformité de l’ouvrage construit au descriptif technique. Le contrôleur technique contrôle-lors de visites ponctuelles et du contrôle documentaire- que les constructeurs vérifient correctement la construction de l’ouvrage. On peut dire que la maîtrise d’œuvre est garante de la conception au regard du programme et des contraintes réglementaires, elle contrôle également que l’exécution des travaux soit conforme aux exigences formulées dans les pièces du marché. Le contrôleur technique vérifie que ce travail est fait.

Pourquoi confier l’attestation d’une solution équivalente, à une tierce partie ? Faut-il qu’elle soit vraiment indépendante ? et non exclusive ?

La loi ESSOC distingue les décideurs (maître d’ouvrage, architecte / maître d’œuvre), les exécutants (entreprises) et les contrôleurs, et suggère de confier à une tierce partie indépendante, l’attestation d’équivalence d’une solution innovante. Cette piste nous semble risquée pour deux raisons : d’une part elle déresponsabilise l’ingénierie qui s’en remettra à la tierce partie, au lieu de s’engager, et cette dernière étant par définition indépendante ne pourra être considérée comme responsable ; d’autre part, l’intervention d’une tierce partie augmentera nécessairement les délais et les coûts, sans apporter de véritable plus-value.

Il nous apparaît pertinent de confier à ceux qui assurent la pérennité ou la validation de la conception (bureaux d’études techniques), la capacité à attester de la pertinence de la solution et à permettre l’atteinte des résultats. Leur implication et leur responsabilité dans la mise au point de la solution innovante, loin d’être un handicap, sont au contraire un gage de garantie supplémentaire. C’est « à ce prix » que la loi ESSOC atteindra ses objectifs de simplification et de diminution des coûts et des délais.

Les acteurs de la construction doivent être responsabilisés et les rôles de chacun respectés. Faisons confiance à la compétence et à l’ingéniosité des maîtres d’œuvre. L’indépendance, l’expertise et la clarté des rôles des différents acteurs sont une garantie de la sécurité et de la qualité des ouvrages. Cette réforme conforte donc l’ingénierie dans ses missions traditionnelles tout en ouvrant un champ nouveau dans la mise au point de technologies innovantes.